lundi 27 juillet 2015
A vous !
Prêtres de Jésus Christ, souvenez vous de la
moiteur des mains des hommes de la rue, souvenez vous de la graisse qui passe
sur vos mains quand vous touchent les mains des va-nu-pieds. Prêtres de
Jésus-Christ, cette moiteur n'est pas autre chose que le Saint Chrême. Ces
mains que l'on pensait poisseuses, sont devenues l'onction chrismale véritable.
Onction donnée de Jésus par les mains des plus petits d'entre les siens.
Homme des hommes, homme de Dieu
Mes
études au séminaire, ma vie en paroisse et à l’étranger m’ont souvent interrogé
sur l’importance qu’a l’Incarnation dans la vie d’un prêtre et pourquoi pas
d’un séminariste. Différentes actions avec des personnes en marge, pauvres,
démunies, et faibles m’ont poussées à approfondir ce à quoi je me prépare
aujourd’hui. Homme des Hommes et homme de Dieu. N’entend-on pas dire des
prêtres et de religieux : « Ce sont des hommes de Dieu ». Un
prêtre peut-il être un homme de Dieu ? Seulement. C’est ce mot qui me gêne
dans ma propre réflexion. Quelqu’un qui est « homme de Dieu »
n’est-il pas alors, par conséquent, l’homme des hommes ? Il me semble
qu’on ne peut parler d’homme sans parler de la création ni du prêtre sans le Christ, et encore moins du ministère sacré
sans incarnation
I-Création.
L’homme, créé par
Dieu, est révélé comme « image de Dieu ». Créé ex-nihilo, sans rien enlever ni à l’infini, ni à l’éternité de son
Créateur, l’homme pour autant n’est pas Dieu. Cette vision des choses pourrait
autrement s’apparenter à du panthéisme. Non, l’homme n’est pas Dieu. Mais Dieu communie à
ce monde et à l’humanité en les assumant par sa croix. Par sa croix
seulement ?
« Et ayant entendu la voix du Seigneur Dieu qui Se
promenait dans le paradis à la brise du soir, ils se retirèrent au milieu des
arbres du paradis, pour se cacher de devant Sa face[1]. ».
Dieu était avec eux, il communiait déjà à l’humanité, sa
voix parcourait le Jardin vers le soir. L’homme était déjà destiné à avoir la
vie divine en partage. La genèse, et donc la Parole de Dieu évoque d’une
manière anthropomorphique la voix qui parcoure le jardin, pour nous révéler
déjà un peu la volonté divine : que nous soyons semblables à lui.
Puisque la fusion
pousse à la confusion, Dieu sépare le Ciel de la Terre, l’homme de la femme
etc. Ainsi le Psautier dit « Le
Ciel c’est le ciel du Seigneur aux hommes il a donné la Terre[2] ».
Quoi
que l’on veuille, quoi que l’on fasse, Dieu et l’homme sont séparés par leur nature
ainsi que l’atteste le psaume. Quelle distance… Dieu pour le Ciel, l’homme pour
la Terre. Après
la création, le péché est venu dans le monde, jetant l’humanité en dehors du
Jardin, en dehors de la communion entre l’homme et Dieu. Maintenant la
béatitude parait inaccessible, et la communion irréparable.
Le sacerdoce institué par
Dieu dans la tribu de Levi est limité d’abord au sang et puis dans le
sacrifice. Chacun est obligé de le réitérer.
En Melchisédech on voit
déjà une évolution en direction de l’incarnation : « Melchisédech, roi de
Salem, apporta du pain et du vin ; il était prêtre du Dieu très haut. Il
prononça cette bénédiction : « Béni soit Abraham par le Dieu très
haut qui créa ciel et terre, et béni soit le Dieu Très Haut qui a livré tes
ennemis entre tes mains [3]». Il apporte le pain et
le vin et les bénis.
Mais
c’est sans compter sur la venue du Christ qui change radicalement la nature du
sacerdoce Lévitique en un sacerdoce Catholique. C’est l’Incarnation du Christ
qui rétablit le Cosmos, car l’ordre était défait par le péché. Il n’y a plus de
Ciel et de Terre : c’est-à-dire qu’avant l’Incarnation, la création ne
participait plus complètement au projet divin. « Le Christ Jésus
s’est fait participant de notre humanité pour nous rendre participants de sa
divinité[4] ». Voici que nous
est donné le Pontife. Tout ce qui nous séparait est désormais récapitulé
en puissance dans le Christ, c’est-à-dire
que toute personne est appelée à
participer à la divinité et toute chose appelée à « la vie du monde à
venir[5] ».
Désormais, « Il n'y a plus ni Juif
ni Grec, il n'y a plus ni esclave ni libre, il n'y a plus ni homme ni femme [6]».
C’est-à-dire que le prêtre n’a plus à servir qu’un peuple
dont il partagerait le sang, le prêtre devient Un avec le Christ, tandis qu’il
est déjà un avec son peuple. Le sacerdoce s’oriente vers l’universel. Dieu en
fait un intendant de ses grâces et de ses bénédictions afin qu’en ses mains,
chaque homme puisse trouver les moyens nécessaires au salut.
III-Prêtre et Christ
C’est donc la configuration du prêtre au
Christ serviteur et Christ Tête qui donne au Seigneur de rendre visible à
toutes les époques qu’il s’est incarné. Le prêtre est un prolongement de
l’humanité et du sacerdoce du Christ pour
qu’il continue de se donner. Le prêtre devient alors un surcroit d’humanité
pour le Christ. Peut-il exister un sacerdoce
catholique qui ne se réfère pas à l’Admirable Echange ?
Cette incarnation
se vit de beaucoup de manières. Un prêtre revit dans sa propre chair cette
incarnation du Christ venu sauver tous les hommes. Le prêtre est homme des
hommes parce qu’il est consacré entièrement au salut de l’humanité que le Christ
a daigné partager avec nous, excepté le
péché dit saint Paul. « Devenu semblable aux hommes, reconnu homme à
son aspect, il s’est abaissé devant obéissant jusqu’à la mort et la mort de la
croix [7]».
Il ne s’agit plus pour le prêtre de répéter des sacrifices, mais d’incarner
lui-même le prêtre, l’autel et la victime.
Le
Christ par son Incarnation et son Baptême a donné ses lettres de noblesse au
fini, au corruptible. Socrate précise[8]
que l’âme est emprisonnée dans le corps et qu’ainsi nous ne possèderons jamais
la Vérité. Pourtant c’est la Vérité elle-même qui a pris chair de notre chair. Ce
n’est pas nous qui la possédons, c’est elle
qui maintenant nous possède. Le Christ à attesté l’authenticité et la dignité
de notre Humanité par son Incarnation. Il
scelle donc de sa vérité les ministères sacrés. Le Christ, disais-je, par son
Baptême a béni l’eau avec laquelle ses prêtres baptisent, il a béni le corps
plongé dans l’Eternelle fontaine de jouvence, il a béni le sel de cette eau
contre les incursions du mal. Qui plus est, en choisissant des hommes pour
apôtres il a exalté l’humanité, il à donné à des hommes un ministère dont ni
les Anges ni la Sainte Vierge n’ont été honorés. Il
magnifie le corps si misérable de ses prêtres en s’incarnant dans des mains de
pécheurs. De pécheur, mais de pécheur sauvé.
Enfin
le Christ par sa venue dans le monde divinise notre humanité. « Comme cette eau se mêle au vin
puissions-nous être unis à la divinité de celui qui a pris notre humanité[9] ».
Voilà l’important. Le prêtre à l’autel uni dans la coupe l’humanité et la
divinité du Christ et du monde.
III-Prêtre et Incarnation
Le
prologue de Saint Jean relate de manière mystique l’Incarnation du Christ. « Elle est venue chez les siens et les
siens ne l’ont pas reconnu [10]» …
ce verset m’a toujours semblé exprimer le drame qui accompagne l’incarnation.
Imaginez que vous rentriez chez vous le soir après le travail et arrivé à la
maison, aucun membre de votre famille ne vous reconnaît, ni vos frères de race
et moins encore vos propres enfants. Serait-ce pour cela que le sacerdoce
–prolongation du Christ sur Terre- fut institué par le Seigneur ? C’est
dramatique. L’Evangile n’est pourtant pas un livre de science fiction.
Le
deuxième verset qui me marque, c’est : et
le verbe s’est fait chair[11],
et il a habité parmi nous. Habiter
est en italique parce que selon mon souvenir une des plus anciennes traductions
disait « il a planté sa tente ». Je remarquais alors une nouvelle différence entre le sacerdoce
lévitique et le sacerdoce de la nouvelle alliance. La tente de Dieu, la tente
de la rencontre n’est plus en dehors du camp, mais au milieu. Dieu n’a pas désiré
un palais mais il a préféré camper.
Camper ? Oui sûrement un moyen de nous rappeler que cette Terre passe et
qu’un jour lorsque la nouvelle Terre et les nouveaux Cieux seront créés, là, il
aura sa demeure avec nous, en dur, si j’ose dire.
Dans l’Eglise, le
Christ actualise cette nouvelle incarnation. Dieu fait chair, Dieu fait nourriture.
Bien sûr l’un des
premiers éléments est l’Eucharistie : Dieu infini et éternel se donne en
nourriture humaine et nourriture spirituelle. C’est ainsi qu’il se donne corps,
sang, âme et divinité. Voilà une
actualisation de l’incarnation. Le devoir d’imitation y est sûrement pour
quelque chose. C’est parce que le prêtre est un autre Christ qu’il se doit de
l’imiter ; donc de s’incarner, de prêcher, mourir, ressusciter et se
laisser manger par ses paroissiens. Se laisser manger son temps, se laisser
manger ses biens, son argent, son amour, etc. Oui même si le sacerdoce est
donné par celui de Jésus Christ, les prêtres prennent
sur leurs propres réserves de miséricorde et d’amour, de calmants spirituels et
d’huile parfumée pour pardonner, aimer, soigner, et soulager.
Donc homme des hommes
La beauté du
sacerdoce n’a d’égal que la splendeur de
l’incarnation. Le prêtre est homme des
hommes parce qu’il fut choisi au milieu du genre
humain et plus particulièrement parmi des hommes (humain de sexe masculin).
Mais aussi parce qu’il est appelé à être le serviteur en gouvernant, enseignant
et sanctifiant. Comme pour le Christ, il a fallu qu’il partage notre condition
pour nous sauver, ainsi le prêtre doit être un semblable de ceux qu’il pait.
C’est peut-être pour cela que le Christ n’a pas permis que les anges
remplissent ces charges.
Le pasteur est
homme de Dieu parce que c’est Dieu qui l’a choisi et ordonné. Il est homme des
hommes par ce qu’il sort du milieu des hommes mais surtout parce que c’est vers
eux qu’il est envoyé et que c’est l’orientation immanente du sacerdoce du
Christ. Mais il n’est pas seulement un
délégué qui ferait simplement des rapports verticaux entre un ciel autonome et
une terre abandonnée, il devient le tout dont saint Paul parle : « Oui, libre à l’égard de tous, je me suis
fait l’esclave de tous afin d’en gagner le plus grand nombre possible. Et avec
les Juifs, j’ai été comme un Juif, pour gagner les Juifs. Avec ceux qui sont
sujets de la Loi, j’ai été comme un sujet de la Loi, moi qui ne le suis pas,
pour gagner les sujets de la Loi. Avec les sans-loi, j’ai été comme un
sans-loi, moi qui ne suis pas sans loi de Dieu, mais sous la loi du Christ,
pour gagner les sans-loi. Avec les faibles, j’ai été faible, pour gagner
les faibles. Je me suis fait tout à tous pour en sauver à tout prix
quelques-uns[12] ».
Se faire tout à tous revient, me semble-t-il à s’incarner dans tous les
milieux, au milieu de tous. Homme des hommes…
Si le prêtre tire son humanité du
seul créateur, comme tous les hommes, Dieu lui donne de revivre en profondeur
ce qu’Il a été sur cette Terre. L’humanité et la divinité sont liées, mélangées
dans une coupe. L’huile et le vinaigre, ne pouvaient se mélanger ; Dieu
décida alors de changer le vinaigre en huile.
Le prêtre est avant tout un homme qui a vu dans son ordination
l’admirable grâce de Dieu faite à l’humanité désenchantée.
Kevin Emmanuel L
Panis Lustratus - Du pain béni
Depuis un temps immémorial, l’Eglise qu’elle soit orientale ou latine prévoit dans ses liturgies le sacramental du «pain béni »
A l’occasion du Synode sur la
famille qui se déroule cette année, la question concernant les personnes
divorcées puis remariées a pris une place importante. Il est vrai que le terme « famille »
ne désigne pas uniquement la situation difficile qui semble prendre le pas.
Pourtant ce thème est-il à aborder sereinement au sein de l’Eglise.
Beaucoup de propositions ont été
faites dans les diocèses lors d’assises extraordinaires, ou bien dans le
travail fait par nos évêques en vue de la tenue de la séance conclusive du
synode.
Ces propositions étaient
difficilement applicables, sans toucher à l’indissolubilité du mariage. Il va
de soi désormais qu’on ne peut toucher à ce principe sans toucher en même temps
à la sacramentalité de l’Eucharistie et donc à la sacramentalité de l’Eglise.
Nous avons donc affaire à un tricot. Tirez sur le fil
d’un lainage et le vêtement entier est défait.
Brièvement, l’Eglise nous rappelle que la communion
eucharistique doit se recevoir nécessairement en cohérence avec le sacrement de
mariage ou en cohérence avec la chasteté à laquelle sont appelés les chrétiens
célibataires. Ainsi, la question n’est pas de savoir comment les personnes
divorcées-remariées pourraient communier, mais plutôt dans quelles
circonstances les chrétiens (célibataires, mariés, quelle que soit la
situation) doivent communier ou s’abstenir de ce sacrement.
Attention, s’abstenir de communier n’est pas à
confondre avec le fait d’être excommunié. Non, les personnes divorcées
remariées ne sont pas excommuniées. Cependant, il serait dangereux de parler de
l’Eucharistie comme d’un droit ou comme d’un devoir. C’est un don, point.
La communion eucharistique nous sanctifie, nous
rachète, et fait de nous le corps du Christ…
Le pain béni, encore en usage dans l’Eglise Catholique
d’Orient et dans l’Eglise Orthodoxe, n’est pas de la même nature. Pour le coup,
ce pain là, c’est juste du pain, substantiellement du pain !
Mais qu’est-ce que ce pain béni ? C’est du pain
levé, celui que nous mangeons lors du repas, un pain ordinaire qui était
distribué aux fidèles à la fin de la messe et parfois apporté aux familles comme
gage d’amour
mutuel et de union, pour inciter les
chrétiens à pratiquer surtout les vertus de charité,
et l'unité dans l'esprit. La question se pose de savoir si,
malgré le risque de confusion, il serait opportun de le rétablir pour permettre
aux personnes divorcées et remariées de 'participer', sans pour autant
communier sacramentellement. Elles s'approcheraient ainsi d'une communion qui
se définirait davantage comme un acte d'attachement ecclésial que comme un acte
de communion d'ordre sacramentel. De fait ils sont membres du peuple de Dieu et
ne sont pas excommuniés.
Ce pain, image d’un désir d’unité, renforce, -pas
aussi parfaitement que l’Eucharistie bien sûr- l'attachement de tous les fidèles
à l'Eglise. Il rappel aussi la conversion nécessaire à la vie Chrétienne
ordonnée à la communion plénière et parfaite contenue dans l’Eucharistie. En
outre, il me semble qu'il n'y ai pas de lien direct ou indirect avec l'indissolubilité
du mariage, et que, par conséquent, tous les baptisés peuvent le recevoir.
De plus ce sacramental ne vise pas spécifiquement les
divorcés-remariés, mais aussi ceux qui ne se sentent pas prêts à communier,
ainsi que les autres qui ne pourraient pas effectivement recevoir le Sacrement
de l'Eucharistie.
Aujourd’hui, comme hier, le dogme de la
transsubstantiation est souvent mal compris ; la présence réelle du Christ
est difficilement intégrée. En effet, elle est tantôt définie comme un symbole,
une analogie, une métaphore, etc. Le pain béni, donc permettrait de redire la
spécificité de l’Eucharistie par rapport au pain levé de tous les jours.
Le pain
béni, un sacramental.
La finalité
des sacrements est l’union avec Dieu, ou autrement dit le fait de pouvoir vivre
à la suite du Christ le mystère Pascal. Les sacramentaux, eux, sont des aides
pour vivre cette réalité nouvelle au quotidien. Les sacramentaux agissent ex
opere operantis Ecclesiae, c'est-à-dire du fait de l’action de
l’Église, et non pas du seul fait que le sacrement est accompli comme c’est
le cas de l’Eucharistie.
En somme, comme
c’est souvent le cas, cette proposition comporte à court et moyen terme un risque
de confusion. Ce risque me parait surmontable du fait que le pain ne soit pas
le même que celui de l'offrande, qu'il est distribué à la sortie de la messe.
Il est offert par les familles. Selon l'antique coutume, il est béni avant
l'épître; ainsi l'acte pénitentiel se finissant, la gloire de Dieu étant
chanté, la bénédiction du pain béni arrive juste à propos. L’exigence
missionnaire est donc celle-ci : il faut parler de nouveau de l’Eucharistie,
de sa source, de la présence réelle et de ses effets. Le risque de confusion
sera donc maitrisé par la distinction qui sera faite entre le Pain béni et
celui des saints mystères, l’Eucharistie.
Kevin Emmanuel L.
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